D’un côté, Internet peut nous aider à lutter contre le changement climatique, de l’autre, il ne faut pas oublier que le numérique implique la consommation d’électricité et donc l’émission de gaz à effet de serre. Connaître son impact sur l’environnement est essentiel pour réduire notre empreinte carbone.
Il y a 30 ans, la révolution Internet
En 1990, le numérique était quasiment inexistant et le téléphone mobile réservé aux militaires et à quelques hommes d’affaires fortunés. C’est dans les années 1990 que tout bascula, avec l’arrivée d’Internet. L’explosion des technologies numériques a révolutionné notre façon de vivre. Désormais, on stocke des photos dans le Cloud, on regarde des séries en streaming… Difficile de s’imaginer comment on vivait « avant », quand on n’a jamais connu la vie sans internet ni téléphone portable… Que ce soit pour le travail ou les loisirs, l’éducation, la santé, la communication, l’essor du numérique a rendu la vie plus facile, plus rapide aussi. Il permet moins de déplacements inutiles, plus de partage et de collaboration, une meilleure observation de la Terre et une meilleure compréhension du climat.
Alors que les Technologies de l’information et de la communication – les TIC – représentent aujourd’hui près de 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (soit plus que le transport aérien), les grandes entreprises comme Google assurent que le numérique est justement la meilleure arme pour limiter cet impact sur la planète. Il est vrai que certaines inventions numériques permettent de belles économies d’énergie comme le GPS qui évite les embouteillages et une surconsommation d’essence ou la visioconférence qui autorise les réunions à distance. Malheureusement, le numérique cache aussi de mauvaises surprises.
LE SAVIEZ-VOUS ?
Pour calculer l’empreinte carbone d’un appareil, on compte vraiment toute l’énergie dépensée !
Pour calculer le poids carbone d’un smartphone par exemple, on analyse tout son « cycle de vie » : cela consiste à intégrer tous ses impacts du « berceau à la tombe », c’est-à-dire de l’extraction des matières premières à sa fabrication, en passant par son utilisation et son recyclage. En résumé, l’énergie consommée par un portable, ce n’est pas seulement la quantité de courant qui sort de la prise quand on le recharge mais beaucoup, beaucoup plus !
Quel impact sur le climat ?
On a tendance à l’oublier mais chaque mail envoyé, chaque recherche sur Google et chaque post Instagram consomme de l’électricité, et rejette dans l’atmosphère des gaz à effet de serre qui contribuent au changement climatique. Le simple envoi d’un mail avec une petite photo correspond à l’utilisation d’une vieille ampoule de 60 watts pendant 25 minutes, soit l’équivalent de 20 grammes de CO2.
On consomme cette électricité de deux manières différentes. Il y a d’abord l’électricité qui sort de la prise et sert à faire fonctionner notre ordinateur ou notre smartphone. Et puis, il y a celle, invisible à nos yeux, qui alimente le réseau Internet et les centres de données ou data-centers. Dans ces data-centers sont hébergés des serveurs informatiques, très gourmands en énergie, qui stockent nos milliards de données.
En 2018, le numérique a englouti 10% de la consommation mondiale d’électricité, un chiffre qui grimpe de 10% par an :
- 30% de cette électricité est grignotée par les ordinateurs, les smartphones et les objets connectés,
- 30% par les data-centers qui hébergent nos données,
- Et 40% par les réseaux.
En fonctionnant, les data-centers et les réseaux produisent énormément de chaleur et nécessitent d’être climatisés. Climatisation qui elle aussi pompe de l’énergie et dégrade le climat.
La production des équipements numériques : un impact énorme
Plus que leur utilisation, c’est la fabrication des équipements qui pèse le plus sur la planète. Le smartphone en est l’exemple le plus frappant : en admettant qu’on le garde durant deux ans, sa consommation d’énergie totale s’est réalisée à plus de 90% avant même son achat !
Dans l’ère numérique paradoxalement, plus on miniaturise, plus on utilise de matière, et plus on agit sur l’environnement. Ainsi, on consomme 80 fois plus d’énergie pour produire un gramme de smartphone qu’un gramme de voiture ! Car les matériaux utilisés doivent être très purs, une pureté qui s’obtient par des procédés exigeant beaucoup d’énergie et de traitements chimiques toxiques.
Toute cette technologie fait en outre appel à des métaux rares : le tantale, par exemple, indispensable aux téléphones portables, ou l’indium, nécessaire aux écrans plats. Les fabricants sont en train d’épuiser à un rythme inégalé ces matériaux, provoquant des dégâts écologiques, mais aussi humains : en effet, leur exploitation provoque souvent des conflits dans des pays du tiers monde où des groupes armés cherchent à profiter de la situation pour s’enrichir.
Les smartphones contiennent une quarantaine de ces métaux rares, en des quantités allant de quelques milligrammes à quelques dizaines de grammes. Malheureusement, une fois les appareils en fin de vie, leurs composants sont mal collectés et à peine recyclés. Pire encore : une bonne partie de nos équipements finissent dans des décharges sauvages, en Asie ou en Afrique.
La folle course à la nouveauté
Puisqu’une grande partie de l’énergie consommée dans les équipements numériques intervient durant sa fabrication, c’est une excellente raison pour les garder le plus longtemps possible ! Malheureusement, ce n’est pas la tendance actuelle. Ainsi, en France, on change de téléphone en moyenne tous les 20 mois. Et au niveau mondial, le nombre de smartphones grimpe de 11% chaque année.
Aujourd’hui, nous sommes de plus en plus équipés et renouvelons notre matériel de plus en plus rapidement. Le problème est que nous ne remplaçons plus un produit en panne comme autrefois, mais nous nous débarrassons d’un appareil que nous jugeons démodé. Les fabricants ont d’ailleurs développé différentes astuces pour rendre un appareil dépassé avant l’heure, afin qu’il soit rapidement remplacé par un nouveau : ils produisent par exemple des produits indémontables que l’on ne peut réparer. Leur objectif est de vendre le plus de produits possible ; ils n’ont donc aucun intérêt à inciter les usagers à consommer moins, même si c’est pour préserver la planète.
Des usages préoccupants : le streaming et les objets connectés
Le streaming est une technologie qui permet de regarder une vidéo, d’écouter de la musique ou de jouer sur son ordinateur, son smartphone ou sa tablette, sans avoir à rien télécharger. Les contenus sont hébergés et stockés sur des serveurs dans le Cloud, autrement dit dans les data-centers. Plus besoin de DVD ou de console de jeux, Internet suffit.
En pleine expansion, le streaming vidéo devrait capter 80% du trafic mondial dès 2020. Netflix, le fournisseur américain de contenus vidéo, représente déjà 23% du trafic internet en France. L’essor des jeux vidéo en ligne est lui aussi préoccupant : un ordinateur sur lequel tourne de tels jeux consomme six fois plus d’énergie qu’un PC standard et dix fois plus qu’une console de jeux.
LA QUESTION DE SUNNY
La 5G, c’est une bonne chose pour le climat ?
La consommation de données croît de 35% par an dans les pays développés. Pour offrir un Internet encore plus rapide, les opérateurs de téléphonie veulent déployer la 5G, dont le débit est plus important. Cette technologie est moins gourmande en énergie que la 4G. Le problème, c’est qu’elle entraînera sûrement plus d’usages comme le streaming, et au final plus d’énergie consommée.
Une autre tendance qui devrait se confirmer dans les prochaines années concerne les objets connectés, ces objets électroniques sans fil qui partagent des informations avec un ordinateur, une tablette, un smartphone : cela va des baskets au réfrigérateur, en passant par les systèmes d’alarme et les machines à café.
En 2013, on en comptait déjà 14 milliards dans le monde, un chiffre qui pourrait atteindre 100 milliards en 2030 ! Déjà en 2013, ces appareils ont consommé une quantité d’électricité comparable à celle du Canada et de la Finlande réunis. Et deux-tiers de cette énergie a été utilisée alors que ces objets étaient en mode veille.
La sobriété numérique
Si le numérique peut aider à limiter les émissions de gaz à effet de serre, il doit être utilisé avec sobriété, pour ne pas lui-même devenir le pire ennemi du climat. Voici quelques gestes pour faire la différence :
- Acheter des équipements moins puissants et adaptés à ses besoins
- En changer le moins souvent possible
- Réduire les usages énergivores superflus, comme les pièces jointes volumineuses dans les mails ou les vidéos en streaming
- Ne pas se laisser tenter par n’importe quel objet connecté.
Pour découvrir d’autres éco-gestes, consulter le Poster « Comment réduire son empreinte carbone dans le numérique ».
ES-TU UN ENERGÉNIE ? DEUX QUESTIONS POUR LE SAVOIR :
Quel est l’usage numérique qui consomme le plus d’énergie sur Internet ?
C’est le streaming qui représente près de 80% du trafic internet dans le monde. Regarder une vidéo sur Netflix consomme énormément d’électricité.
Si on prend en compte tout le cycle de vie d’un appareil, quel est le moment où il consomme le plus d’énergie et émet le plus de CO2 ?
C’est durant la phase de production : l’extraction des matières premières, l’utilisation des énergies fossiles comme le charbon et la fabrication d’un smartphone représentent par exemple 90% de toute l’énergie consommée par un appareil qui sera utilisé durant deux ans.
Les avantages et les inconvénients du numérique
Les plus
- Utilité dans la santé, l’éducation, le commerce, la connaissance de la Terre et la compréhension du climat.
- Rend la vie plus facile et permet de nombreux loisirs : films, musique, jeux…
- Facilite la communication et le partage d’informations.
- Permet d’éviter certains déplacements grâce aux visioconférences, au télétravail…
Les moins
- Très énergivore. Le numérique représente 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
- Les vidéos en streaming sont l’une des activités numériques les plus consommatrices d’énergie.
- Les objets connectés se propagent dans le monde à une vitesse fulgurante. Or ils consomment de l’électricité en permanence, même en mode veille.
- Mauvaises performances énergétiques : data-centers surdimensionnés, logiciels obèses et énergivores, obsolescence programmée, pas d’implication des fabricants pour rendre les appareils plus durables…
- Impact de la fabrication des équipements sur la planète : pollution, extraction de métaux rares, mauvais recyclage…
SUR CE SUJET, VOIR AUSSI LES FICHES
- D’où vient, et où va, l’électricité ?
- L’énergie en France
- Consommer mieux, gaspiller moins
- POSTER / Comment réduire son empreinte carbone dans le numérique ?
QUELQUES SOURCES INTÉRESSANTES
- Numérique, le grand gâchis énergétique, mai 2018, CNRS
- La Face cachée du numérique, 2018, ADEME
- La Face cachée du numérique, l’impact environnemental des nouvelles technologies, de Fabrice Flipo, Michelle Dobré et Marion Michot, éditions de L’Échappée, 2013.
- Les impacts du smartphone, juin 2019, ADEME
- Pour une sobriété numérique, rapport très complet de l’institut The Shift Project, octobre 2018
- ECOInfo, groupement lié au CNRS, qui aide les usagers à réduire l’impact environnemental du numérique
- La 5G ignore les enjeux écologiques, 25 juin 2019, journal Reporterre.
- Jean-Marc Jancovici explique la pollution numérique sur Konbini, vidéo, 28 juillet 2019.
- Quelles consommations numériques au bureau, « une rentrée pour tout changer », infographie de l’ADEME
- Les Eco-gestes informatiques au quotidien, un guide pratique pour agir, Bela Loto Hiffler, Les Clés pour Agir, ADEME, juin 2017.