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Des éco-gestes suffiront-ils à sauver le climat ?

Manifestation de cyclistes à Copenhague au Danemark pour un monde meilleur  Yann Arthus-Bertrand
Manifestation de cyclistes à Copenhague au Danemark pour un monde meilleur © Yann Arthus-Bertrand

Chacun à son niveau peut agir pour réduire sa consommation d’énergie et lutter contre le changement climatique. Ces éco-gestes sont incontournables, mais pas suffisants. Ils doivent être accompagnés par des mesures de l’État et des entreprises.

Que ce soit l’État, les entreprises ou les médias, depuis quelques années, on parle de plus en plus d’écologie et d’économies d’énergie. Tout comme dans les supermarchés, on met de plus en plus en avant les produits bio. Mais il ne faut pas se réjouir trop vite ! Car les Français qui agissent sont encore très minoritaires : il reste beaucoup à faire pour réduire significativement nos émissions de gaz à effet de serre. La question qui revient souvent est : qui doit agir ? Alors que certains ne jurent que par les éco-gestes individuels, d’autres les regardent de haut, affirmant que cela ne sert à rien. Selon eux, il s’agit là d’une question politique qui doit être réglée par l’État et personne d’autre. Où est la vérité dans tout ça ?

Qui est responsable ?

Cela serait tellement plus simple de trouver un unique responsable aux émissions de gaz à effet de serre… Une fois identifié, il suffirait de le condamner, de l’obliger à cesser ses émissions et réparer le mal qu’il a fait au climat. Malheureusement cela ne se passe pas comme ça. Prenons par exemple la voiture, qui émet chaque année dans l’atmosphère une énorme partie du CO2 à l’origine du réchauffement climatique : qui est responsable de ces émissions ? L’industriel qui a fabriqué le véhicule ? Le garagiste qui l’a vendu ? La personne qui remplit son réservoir ? L’automobiliste qui le conduit ? Ou l’État qui n’a pas mis en place un réseau de transport en commun qui permette à chacun d’aller au travail sans voiture ? On se rend compte bien vite que la responsabilité est partagée entre toute une chaîne de personnes. Ce n’est pas la faute de l’industriel ou du citoyen, des Américains ou des Chinois ; il s’agit d’une responsabilité collective.

C’est cela qui rend les choses si difficiles à changer. Car chacun de ces acteurs se renvoie la balle, accusant les autres d’être responsables de l’immobilisme ou de la lenteur du changement. Chacun doit faire sa part. Et ce n’est pas parce que l’un des acteurs refuse d’agir que les autres doivent renoncer !

LE SAVIEZ-VOUS ?

Les “nudges”, un outil pour inciter à la protection du climat

Un “nudge” [“coup de pouce”, en anglais] est une méthode qui consiste à encourager un comportement vertueux, comme économiser l’énergie ou limiter le gaspillage. Exemple : constatant qu’à la cantine, une personne sur deux laissait du pain sur son plateau, des étudiants ont modifié les bacs à pain, en y ajoutant un couvercle et des pinces pour saisir son morceau. L’opération est devenue un peu moins automatique. Avant de se servir, les étudiants se demandent désormais s’ils veulent vraiment du pain. Bilan de l’opération : la quantité de pain jeté a diminué de 20% ! Autre exemple : transformer des poubelles en panier de basket afin d’inciter les gens à ne pas jeter leurs ordures sur la voie publique.

Diviser notre empreinte carbone par six en 30 ans

En 2017, l’empreinte carbone des Français s’élevait en moyenne à 10,8 tonnes d’équivalent CO2. Pour respecter l’Accord de Paris et maintenir le réchauffement climatique sous les 2°C, nous devons réduire nos émissions de gaz à effet de serre pour parvenir d’ici 2050 à 2 tonnes par an. Cela correspond à une baisse d’environ 80%.

Pour rester sous les 2°C de réchauffement climatique, l’objectif de l’Accord de Paris, les Français doivent diviser par six leur empreinte carbone moyenne  Étude Carbone 4, juin 2019
Pour rester sous les 2°C de réchauffement climatique, l’objectif de l’Accord de Paris, les Français doivent diviser par six leur empreinte carbone moyenne © Étude Carbone 4, juin 2019

Les éco-gestes peuvent faire baisser notre empreinte carbone de 25%

Contrairement à ce qu’affirment certains, les éco-gestes ne servent pas à rien ! En juin 2019, un bureau d’études indépendant, Carbone 4, a ainsi établi une liste d’une dizaine d’actions individuelles, allant des petits gestes du quotidien (acheter une gourde, remplacer ses vieilles ampoules par des LED, baisser son chauffage, acheter moins de vêtements neufs, privilégier le vélo…) à des changements de comportement plus ambitieux, comme manger végétarien, ne plus prendre l’avion ou acheter des objets d’occasion. L’étude montre qu’un Français très motivé qui ferait ces actions tous les jours de l’année parviendrait à réduire son empreinte carbone… de 25%. Ce n’est pas rien ! Ce sont les efforts concernant l’alimentation et les transports qui s’avèrent les plus efficaces. Le passage à un régime végétarien, sans viande ni poisson, représente à lui seul une baisse de 10% de l’empreinte carbone d’une personne.

Il faut noter que cette étude n’a pris en compte qu’une dizaine d’actions individuelles. Cela n’exclut pas les autres ! D’autres comportements comme limiter le gaspillage alimentaire ou encore les voyages en voiture sur de longues distances pourraient eux aussi contribuer à réduire notre empreinte carbone de façon non négligeable.

Une expérience menée en France auprès de 250 familles a montré que quelques gestes simples (comme ne pas jeter ses restes ou mieux remplir son frigo…) pouvaient réduire le gaspillage alimentaire de près de 60% ! Or en France, le gaspillage alimentaire est à l’origine de 3% des émissions de gaz à effet de serre.

Chaque comportement individuel a un impact différent sur les émissions de gaz à effet de serre.  Étude Carbone 4, juin 2019
Chaque comportement individuel a un impact différent sur les émissions de gaz à effet de serre. © Étude Carbone 4, juin 2019

Cela étant dit, il faut être réaliste… Tous les Français n’accepteront pas dès demain de bouleverser leurs habitudes. Si l’on prend en compte ces degrés divers de motivation, on peut estimer que l’adoption de gestes individuels pourra faire baisser de 5 à 10% l’empreinte carbone moyenne des Français.

Et puis, même si les Français étaient tous des héros du climat, ces gestes individuels ne suffiraient pas à réduire suffisamment nos émissions pour rester sous le seuil des 2°C de réchauffement climatique. D’autres actions sont indispensables.

Changer le système, pas le climat

La question du climat dépasse la sphère individuelle : nous ne vivons pas isolés les uns des autres, mais au sein d’un système qui fonctionne depuis des décennies grâce aux énergies fossiles, notamment le pétrole. Nos villes et nos activités ont ainsi été pensées autour de la voiture et notre confort autour de la consommation d’électricité. On aura beau faire du co-voiturage, nous ne supprimerons pas en totalité nos émissions, mais ne ferons que les réduire. Et puis, même si on est super motivé, comment aller au travail ou à l’école sans émettre de CO2, si notre domicile n’est desservi par aucun transport en commun et que le trajet est trop long pour prendre le vélo ?

Même chose à la maison : baisser la température du chauffage en hiver et enfiler un gros pull est une bonne chose, mais tant qu’on n’aura pas remplacé sa chaudière, elle fonctionnera toujours au fioul ou au gaz ! Or cela réclame un gros investissement qui n’est pas à la portée de tout le monde.

En résumé, la bonne volonté ne suffit pas toujours… Afin de réussir à baisser notre empreinte carbone de 80% d’ici 2050, l’État doit agir et investir massivement pour transformer le système, par exemple en améliorant le réseau de transport en commun et les pistes cyclables, en subventionnant l’achat de voitures électriques, en facilitant l’isolation des bâtiments ou encore en aidant financièrement les particuliers pour qu’ils adoptent un mode de chauffage plus écologique. Carbone 4 estime que ces investissements réalisés au niveau individuel, mais encouragés par les pouvoirs publics, pourront permettre de réduire notre empreinte carbone de 20% au niveau national.

En résumé : si on est un héros du climat et qu’on change radicalement son comportement tous les jours de l’année (-25%), et qu’en plus, on réalise des investissements intelligents au niveau individuel, grâce au soutien de l’État (-20%), on peut espérer réduire de 45% son empreinte carbone. Si on est un citoyen moyen, sans être vraiment héroïque, cette baisse atteindra tout de même 20%. Pour le reste, c’est à l’État et aux entreprises qu’il revient d’agir.

Si on est un « héros du climat », les changements de comportement individuels peuvent amener à une réduction de 45% des émissions de gaz à effet de serre  Étude Carbone 4, juin 2019
Si on est un « héros du climat », les changements de comportement individuels peuvent amener à une réduction de 45% des émissions de gaz à effet de serre © Étude Carbone 4, juin 2019
Si en étant plus réaliste, on prend en compte les Français dans leur ensemble, héros du climat ou pas, les changements de comportement individuels peuvent amener à une réduction de 20% des émissions de gaz à effet de serre  Étude Carbone 4, juin 2019
Si en étant plus réaliste, on prend en compte les Français dans leur ensemble, héros du climat ou pas, les changements de comportement individuels peuvent amener à une réduction de 20% des émissions de gaz à effet de serre © Étude Carbone 4, juin 2019

L’État et les entreprises doivent s’engager et investir massivement pour transformer le système

La part restante de la baisse des émissions dépend de mesures collectives qui doivent être prises par l’État ou les entreprises. Les entreprises doivent notamment prendre conscience de leur dépendance aux énergies fossiles en réalisant un bilan carbone. C’est seulement une fois connue leur empreinte carbone qu’elles pourront agir pour la réduire, en faisant par exemple appel au fret de marchandises par train ou par bateau, plutôt que par camion, en réfléchissant aux moyens de transport de leurs salariés, en améliorant le recyclage de leurs produits, en privilégiant les énergies renouvelables, en réduisant leur consommation électrique, en choisissant des matières premières plus durables…

C’est à l’État qu’il revient d’édicter des règles et de mettre en place des incitations fiscales pour encourager le changement et les investissements respectueux du climat. A lui de développer un vrai réseau national de transports publics écologiques, de lancer un grand plan de rénovation thermique des logements, d’encourager une agriculture plus durable et moins émettrice de gaz à effet de serre. L’État doit aussi montrer l’exemple en investissant dans la rénovation énergétique des bâtiments publics et en réduisant l’empreinte carbone des services publics.

En résumé :

© Étude Carbone 4, juin 2019
© Étude Carbone 4, juin 2019

Les gestes individuels ont un effet d’entraînement à plus grande échelle

Au-delà du fait que les éco-gestes peuvent avoir un effet direct sur la réduction des émissions de CO2, les changements individuels peuvent aussi servir d’accélérateur à des changements économiques et politiques apparemment hors de portée. Ainsi, l’essor grandissant chez les Suédois du mouvement Flygskam, qui proclame la « honte de prendre l’avion », a entraîné le renforcement du transport ferroviaire dans le pays, notamment les trains de nuit, ainsi qu’une taxe sur les billets pour les vols en partance d’un aéroport suédois.

Les éco-gestes sont dévalorisés par certains au profit de l’action politique. Pourtant changer ses habitudes constitue déjà en soi un acte politique. En montrant l’exemple, on peut influencer sa famille, ses voisins, ses amis et diffuser des pratiques plus respectueuses de l’environnement. Mais il faut du temps pour changer les habitudes d’une société, et pour que cela entre dans les mœurs. A ce titre, la place de l’éducation est cruciale.

Racks de bouteilles en verre utilisées pour le système de consigne en Allemagne  Yann Arthus-Bertrand
Racks de bouteilles en verre utilisées pour le système de consigne en Allemagne. © Yann Arthus-Bertrand

Et puis, les États n’ont jamais agi que sous la pression des citoyens. Regardez le vélo à Paris. Dans les années 1970, des cyclistes bloquaient la circulation dans la capitale pour réclamer une révolution des transports urbains. Qui aurait imaginé que, cinquante ans plus tard, la ville de Paris supprimerait les voies sur berge, traceraient des pistes cyclables et mettrait en place un système de partage de bicyclettes baptisé Vélib ? Plus les citoyens seront nombreux à changer leur comportement pour réduire leurs émissions, plus ils pourront réclamer des comptes à leurs dirigeants.

LA QUESTION DE SUNNY

Les colibris, ce sont de petits oiseaux-mouches, non ?

Exact, mais pas seulement ! Les Colibris, c’est aussi le nom donné à un mouvement fondé en 2007 par Pierre Rabhi, qui encourage chacun à « faire sa part » pour contribuer à la transition écologique. Il tire son nom d’une légende amérindienne : « Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! » Et le colibri lui répondit : « Je le sais, mais je fais ma part. » »

Quand l’État et les entreprises se dédouanent sur les citoyens

Parfois l’État ou les entreprises lancent des campagnes de communication pour alerter le citoyen sur certains comportements et lui demander d’en changer, sous prétexte de protéger l’environnement ou le climat. Mais bien souvent, c’est un moyen pour eux de se dédouaner et de faire porter la responsabilité par le consommateur. Ainsi des fabricants d’objets en plastique qui assurent que le problème, ce n’est pas le plastique qu’ils vendent, mais le fait que les consommateurs ne le jettent pas dans la bonne poubelle.

POUR OU CONTRE LES ECO-GESTES

Les plus

  • Si on est motivé, les éco-gestes peuvent nous aider à réduire notre empreinte carbone de 25%.
  • Les éco-gestes ont un effet d’entraînement sur les proches. Le fait de donner l’exemple inspire et encourage les autres. Il permet aussi de faire pression sur le gouvernement.
  • Des gestes comme manger moins de viande ou moins prendre l’avion comptent vraiment.
  • Les éco-gestes ne dépendent que de moi et de ma volonté ! Personne ne peut décider à ma place.

Les moins

  • Si on est réaliste et qu’on prend en compte les Français les moins motivés, on estime que les éco-gestes nous aideront à réduire notre empreinte carbone au niveau national de seulement 5 à 10%.
  • Les éco-gestes seuls ne suffiront pas à limiter le réchauffement climatique sous les 2°C. L’Etat et les entreprises doivent eux aussi faire leur part.
  • L’Etat et les entreprises peuvent se servir des éco-gestes pour se dédouaner sur les citoyens, les culpabiliser et en faire moins de leur côté.
  • On ne peut forcer personne à faire des éco-gestes !

SUR CE SUJET, VOIR AUSSI LES FICHES

  • Consommer mieux, gaspiller moins
  • Quels moyens pour faire bouger les États ?
  • Comment réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre ?
  • Le numérique, ange ou démon pour le climat ?
  • Posters Eco-Gestes : Maison, Transports, Numérique

QUELQUES SOURCES INTÉRESSANTES

LA CITATION POUR ALLER PLUS LOIN

Les changements que nous faisons dans nos modes de vie relèvent de l’épaisseur du trait. Ils ne sont pas à l’échelle des enjeux. Ce qui est en cause, c’est bel et bien notre système économique. Les recettes du passé ne fonctionnent plus. Pire, elles sont les poisons d’aujourd’hui.

Nicolas Hulot, dans une interview à TerraEco le 30 mars 2009

Les éco-gestes ne datent pas d’hier. Cela fait bien longtemps que des particuliers ou des associations défendent les changements individuels. Mais les écologistes eux-mêmes sont divisés sur la question. L’ancien ministre de l’Écologie, Nicolas Hulot, semble avoir changé d’avis sur la question. Alors qu’aujourd’hui sa fondation appelle les citoyens à appliquer des éco-gestes, il y a dix ans, le militant écologiste estimait que la priorité était la réforme totale du système économique. Les « recettes du passé » font référence à l’ultralibéralisme et aux stratégies de croissance, basées notamment sur la combustion des énergies fossiles et l’épuisement des ressources.

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