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Les hydrocarbures non conventionnels

Enfouissement de résidus pétroliers issus de l’exploitation des sables bitumineux
Enfouissement de résidus pétroliers issus de l’exploitation des sables bitumineux, Fort McMurray, Alberta, Canada © Yann Arthus-Bertrand

Pétrole et gaz ont longtemps été des énergies pratiques et bon marché, car faciles à extraire. Mais l’épuisement des réserves conventionnelles a poussé l’industrie à exploiter des gisements moins accessibles, plus coûteux et plus nocifs pour l’environnement : gaz et pétrole de schiste, sables bitumineux…

Qu’est-ce qu’un hydrocarbure non conventionnel ?

Le pétrole et le gaz naturel sont des énergies fossiles dont la combustion génère des gaz à effet de serre, responsables du changement climatique. Ils sont issus de la décomposition il y a des centaines de millions d’années de petits organismes marins, animaux et végétaux. Sous l’effet de pressions et de températures extrêmement élevées, ils se sont transformés en kérogène, puis en hydrocarbures, au sein d’une roche mère qui les héberge. Entre 2 et 4 kilomètres de profondeur, le kérogène s’est transformé en pétrole, et plus profondément en gaz naturel.

Sous pression, ces hydrocarbures se sont ensuite échappés vers la surface. Mais dans certains endroits, une roche dure et imperméable a stoppé leur progression : ils sont alors restés piégés dans cette roche réservoir. Ce sont ces combustibles que l’on qualifie d’hydrocarbures conventionnels. Car pour les exploiter, il suffit de creuser un puits à la verticale : gaz et pétrole remontent alors naturellement à la surface.

Mais le pétrole et le gaz qui se sont transformés dans des schistes argileux – une roche feuilletée très imperméable – n’ont pu s’échapper vers la surface et former un gisement en se regroupant dans une poche unique. Ils sont donc restés emprisonnés dans la roche mère. Au lieu d’être concentrés dans une roche réservoir, ils sont restés éparpillés dans les interstices de la couche géologique, sur des centaines de mètres. Il est donc beaucoup plus difficile de les extraire. La seule solution pour les libérer est de briser la roche mère afin qu’elle les expulse vers des roches plus perméables exploitées ensuite grâce aux techniques classiques.

Le gaz et pétrole de schiste sont aussi appelés gaz et pétrole de roche mère. Des deux, c’est le pétrole de schiste (dit aussi huile de schiste) qui est le plus recherché ; sa valeur commerciale est très supérieure à celle du gaz de schiste.

En résumé, le pétrole et le gaz de schiste ne sont pas différents des hydrocarbures conventionnels par leur composition ou leurs usages. Ce qui les distingue, c’est la manière, non conventionnelle, dont ils sont extraits.

LE SAVIEZ-VOUS ?

L’industrie ne se jette pas sur n’importe quelle goutte de pétrole.

Même si les compagnies pétrolières sont sans cesse à la recherche de pétrole neuf, certains gisements de pétrole non conventionnel ne l’intéressent pas. C’est le cas lorsque l’exploitation d’un gisement nécessite plus d’énergie qu’il n’en produit. Autrement dit, lorsqu’il faut consommer plus d’un baril de pétrole pour en extraire un ! Cela rend l’extraction non rentable. Pour qu’un gisement soit rentable, il faudrait même consommer moins d’un demi-baril pour en extraire un.

La fracturation hydraulique

L’exploitation des hydrocarbures de schiste a commencé aux États-Unis au début des années 2000. Elle n’est pas due à une invention géniale mais plutôt au perfectionnement et à la combinaison de deux technologies pratiquées par l’industrie depuis la Seconde Guerre mondiale : la fracturation hydraulique et le forage horizontal.

La fracturation hydraulique intervient après le forage d’un puits vertical. Elle consiste à injecter un mélange d’eau, de sable et de produits chimiques dans la roche mère afin d’y créer des microfissures par lesquelles gaz ou pétrole remontent à la surface. Cette opération est efficace sur 100 mètres environ autour du point d’injection. Elle doit donc être répétée plusieurs fois dans plusieurs points de la roche. C’est un forage horizontal qui permet d’atteindre ces différents points d’injection.

La fracturation hydraulique est la technique la plus utilisée, mails il existe des alternatives comme la fracturation électrique, au propane, au CO2, par chocs thermiques… 

La fracturation ne permet de libérer les hydrocarbures que dans un périmètre restreint : l’extraction des hydrocarbures de schiste nécessite donc de forer 100 à 200 fois plus de puits que pour du gaz ou du pétrole conventionnel.

Très forte au début du forage, la production s’effondre souvent au bout de quelques mois seulement. Pour maintenir un bon rendement, il faut très vite creuser un nouveau puits à proximité, et ainsi de suite. Cela demande des investissements importants et répétés, et ce alors qu’un puits de pétrole conventionnel assurait la fortune de son propriétaire pour plusieurs années, voire plusieurs dizaines d’années, sans réaliser de nouvel investissement. C’est la raison pour laquelle les principales compagnies qui exploitent ces filons s’endettent, sans jamais faire de profit. Aux États-Unis, plus des trois-quarts des entreprises spécialisées dans le pétrole de schiste continuent ainsi à investir plus qu’elles ne gagnent d’argent. L’avenir de ces gisements reste donc très incertain d’un simple point de vue économique.

La technique de la fracturation hydraulique
La technique de la fracturation hydraulique pour extraire du gaz de schiste © Total

Les impacts de la fracturation hydraulique

Cette technique est très controversée en raison de ses impacts néfastes sur l’environnement. En voici quelques-uns :

  • Le gaz ou le pétrole remonte à la surface mais avec lui, une partie de l’eau et des produits chimiques injectés. Plusieurs centaines de produits chimiques différents sont utilisés pour la fracturation, certains toxiques, cancérigènes ou radioactifs. Mais bien souvent, les riverains ignorent tout des substances utilisées car les foreurs ont chacun leur recette et la gardent secrète. Les eaux usées sont parfois mal stockées et mal retraitées : elles constituent un risque de pollution des sols, de l’air et des nappes phréatiques. Les dangers sur la santé sont encore mal connus, mais plusieurs riverains qui se disaient victimes de pollution ont déjà été indemnisés par les compagnies pétrolières et gazières.
  • La fracturation hydraulique nécessite énormément d’eau, ce qui pèse localement sur les réserves.
  • Les riverains critiquent souvent l’impact sur le paysage, mais aussi les nuisances et la pollution dues au passage des innombrables camions chargés d’acheminer sur le site l’eau et les produits chimiques.
  • L’eau et le sable injectés dans les profondeurs peuvent réveiller de vieilles failles géologiques endormies et provoquer des séismes.
  • Les industriels assurent que l’extraction de gaz de schiste est bonne pour le climat, puisque le gaz naturel émet moins de gaz à effet de serre que le charbon lorsqu’il est utilisé pour produire de l’électricité. Le problème est que l’extraction de gaz de schiste entraîne de nombreuses fuites de méthane, un gaz au pouvoir réchauffant 25 fois plus élevé que le CO2. Souvent, les puits sont mal rebouchés et le gaz s’échappe dans l’atmosphère. En outre, dans certains gisements américains, près d’un tiers du gaz produit est brûlé pour rien, juste parce qu’il ne rapporte pas suffisamment d’argent. C’est ce qu’on appelle le torchage. Une pratique qui aggrave le changement climatique.

Le boom des hydrocarbures non conventionnels

Malgré les risques environnementaux et climatiques, le gaz et le pétrole de schiste connaissent depuis 2006 un essor phénoménal. La raison en est simple. Les réserves conventionnelles sont en train de s’épuiser et les compagnies pétrolières, ainsi que certains États, cherchent de nouvelles sources de revenus.

En 2008, la production de pétrole conventionnel a atteint son pic. Cela signifie qu’elle n’augmentera plus jamais. On estime qu’au rythme actuel de consommation, les réserves devraient être épuisées d’ici 2065 environ. Les réserves de gaz conventionnel devraient quant à elles tenir dix ans de plus.

Les ressources facilement disponibles ayant été exploitées, les industriels recherchent désormais à développer les filons moins accessibles, même s’ils sont moins rentables.

Une nouvelle géopolitique

Répartition des réserves mondiales de gaz et de pétrole de schiste
Répartition des réserves mondiales de gaz et de pétrole de schiste (en rouge les réserves dont les ressources ont été estimées. En orange, celles dont on ne connaît pas bien le volume) © EIA (Agence américaine d’information sur l’énergie), 2015

L’exploitation massive des gaz et des pétroles de schiste depuis 2006 a rebattu les cartes et créé une nouvelle géopolitique mondiale. Grâce à l’exploitation du gaz de schiste, les États-Unis sont ainsi devenus en 2009 le premier producteur gazier au monde, dépassant la Russie : tout comme les forages pétroliers avaient fleuri en Amérique à la fin du 19e siècle, s’est ouverte une nouvelle ruée vers l’or noir au Texas, en Pennsylvanie ou encore dans le Dakota du Nord. Des centaines de forages, petits ou grands, ont poussé partout.

Cet essor a aussi été favorisé par une situation spécifique aux États-Unis où le propriétaire du sol est également propriétaire du sous-sol. Il est donc facile pour un foreur de convaincre un agriculteur de lui donner accès à son champ s’il lui offre une grosse somme d’argent. Un cas de figure qui serait inenvisageable en France par exemple où les ressources présentes dans le sous-sol n’appartiennent pas au propriétaire du terrain mais à l’ État.

Ce sont les États-Unis qui posséderaient dans leur sous-sol les plus importantes réserves de pétrole de schiste au monde, devant la Russie, la Chine et l’Argentine. Concernant les réserves mondiales de gaz de schiste, la Chine pointe en tête de classement, devant l’Argentine, l’Algérie et les États-Unis.

Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), l’Europe recèlerait 8% des réserves mondiales de gaz de schiste et 4% de celles de pétrole. Les plus gros gisements se situeraient en Pologne et en France.

Mais tous ces chiffres sont à prendre avec précaution. Car ce sont des estimations grossières. Surtout, la seule façon de réellement savoir ce que renferme le sous-sol, c’est de réaliser des forages exploratoires. L’existence de réserves ne présume pas d’une exploitation viable. De telles explorations en Grande-Bretagne ont montré que seuls 5% de l’huile de schiste présente dans un des plus gros gisements serait finalement exploitable. Un taux de récupération qui tourne aux États-Unis autour de 20 à 30%. Résultats tout aussi décevants en Pologne où plus d’une vingtaine d’opérations de fracturation ont été menées entre 2013 et 2015 : aucun puits ne s’est révélé viable commercialement.

Plus que les obstacles géologiques, c’est la population qui en Europe fait blocage à l’extraction des hydrocarbures de schiste. Aux États-Unis, la plupart des forages ont lieu dans des zones rurales peu peuplées. Ce n’est pas le cas en Europe, d’où des levées de boucliers.

En France, aucun forage exploratoire n’a jamais été mené, la fracturation hydraulique ayant été interdite en 2011, en raison de risques pour l’environnement jugés trop élevés. Une étude estime que le taux de récupération dans le Bassin parisien par exemple pourrait être inférieur à 10%, voire nul par endroits.

Les réserves estimées de pétrole et de gaz de schiste en France
Les réserves estimées de pétrole et de gaz de schiste en France © IFPEN, 2010

D’autres hydrocarbures non conventionnels

Le pétrole et le gaz de schiste sont les hydrocarbures non conventionnels les plus répandus mais il en existe d’autres. Ces ressources exigent souvent de creuser plus profondément, ou d’utiliser de la chaleur ou de l’électricité. Tous ont pour point commun d’exiger beaucoup d’énergie pour être produits, et donc d’émettre encore plus de gaz à effet de serre que les énergies fossiles conventionnelles. En voici deux exemples :

  • Les sables bitumineux

Présents surtout au Canada et au Venezuela, qui disposent d’énormes réserves, les sables bitumineux (ou bitumeux) sont composés de sable, d’argile, d’eau et de bitume brut. Après extraction et transformation, on obtient du bitume, un mélange d’hydrocarbures sous forme solide ou se présentant comme un liquide épais et visqueux.

Après avoir évacué la végétation et une première épaisseur de sol, on met à jour une couche de sables bitumineux de 40 à 60 mètres d’épaisseur. Les roches sont extraites dans des mines à ciel ouvert grâce à des bulldozers, évacuées par camions puis traitées pour en extraire le bitume. On sépare les hydrocarbures grâce à de la vapeur d’eau à haute température.

Gourmand en eau et en énergie, ce procédé est en outre très polluant et peu rentable :  il faut environ deux tonnes de minerais pour produire un baril de pétrole (159 litres). Le coût d’un forage peut être jusqu’à 30 fois plus élevé qu’un forage classique en Arabie saoudite.

LA QUESTION DE SUNNY

Les hydrocarbures non-conventionnels, on en exploite aussi en mer ?

Tout à fait. C’est ce qu’on appelle les forages off-shore extrêmes ou ultra-profonds. Il y a 40 ans, les forages sous-marins permettaient de creuser en mer à 500 mètres de fond. Désormais, les techniques développées par l’industrie permettent de plonger à 2 500 mètres de profondeur, puis de forer ensuite jusqu’à 5 000 mètres dans le sol ! L’exploitation de ces gisements coûte entre 2 et 7 fois plus cher que sur terre. Il est aussi beaucoup plus difficile de colmater une fuite qui surgirait à 2 000 mètres sous l’eau…

  • Les schistes bitumineux

Contrairement aux sables bitumineux et aux hydrocarbures de schiste, les schistes bitumineux ne sont pas directement exploitables. En fait, c’est un pétrole qui n’est pas tout à fait cuit. On va récupérer dans la roche mère un kérogène qu’il faut ensuite traiter pour obtenir du pétrole. On utilise pour cela le procédé de pyrolyse : on chauffe le schiste bitumineux à 500 °C dans une enceinte privée d’air. Il s’agit de reproduire en une heure une transformation qui a nécessité plusieurs millions d’années dans la nature !

Cette pyrolyse génère des déchets et émet du CO2 dans l’atmosphère. Un carburant issu de schistes bitumineux émettrait 20 à 50% de gaz à effet de serre en plus qu’un carburant conventionnel.

Les schistes bitumineux peuvent aussi être brûlés directement comme un combustible de basse qualité pour la fourniture d’électricité et de chauffage. Ils peuvent également être utilisés comme matériau de base dans les industries de la chimie ou de la construction.

SUR CE SUJET, VOIR AUSSI LES FICHES

  • D’où vient, et où va, l’électricité ?
  • Le pétrole
  • Le gaz naturel
  • Qu’est-ce le changement climatique ?

QUELQUES SOURCES INTÉRESSANTES

LA CITATION POUR ALLER PLUS LOIN

Nous sommes comme des rats de laboratoire qui ont mangé tous les corn-flakes, et qui découvrent qu’on peut aussi manger la boîte.

L’ancien responsable de la Prospective de la compagnie pétrolière BP, Richard Miller, dans une interview en 2014 au journal britannique The Guardian. Cité, page 749, par Matthieu Auzanneau dans “Or noir – La grande histoire du pétrole”, La Découverte Poche, 2016.

L’expert pétrolier fait ici référence aux pétroles de schiste et aux sables bitumineux, dont l’extraction est montée en flèche après l’épuisement progressif des ressources conventionnelles de pétrole. Cela signifie que durant des dizaines d’années, les hommes ont extrait et consommé un pétrole facile et pas cher – les “corn-flakes” – et que depuis quelques années, ils craignent de plus rien avoir à se mettre sous la dent ou dans le réservoir de leur voiture. Par conséquent, ils en viennent à explorer des ressources de moindre qualité et plus difficiles à extraire et consommer : les pétroles non conventionnels, alias “la boîte”.

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