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Pour ou contre les biocarburants ?

plantation de palmiers à huile à Bornéo
Nouvelle plantation de palmiers à huile près de Pundu, à Bornéo en Indonésie après une déforestation massive © Yann Arthus-Bertrand

Fabriqués à partir de plantes, les biocarburants émettent théoriquement moins de gaz à effet de serre que les carburants traditionnels comme l’essence et le gazole. Pourtant, en fonction de leur mode de production, ils peuvent avoir un impact très négatif sur l’environnement et le climat.

Les biocarburants au cœur de la controverse

Dans le monde, les transports représentent 24% des émissions de CO2. Et ça ne se cesse d’augmenter ! Réduire ces rejets polluants constitue donc un véritable enjeu. Et pourquoi ne remplacerait-on pas l’essence et le gazole (ou « diesel« ), tous deux issus du pétrole, par un carburant issu des plantes ? Lumineuse, l’idée a séduit de nombreux pays qui se sont mis à subventionner ces nouveaux combustibles, appelés biocarburants ou agrocarburants. Mais progressivement, on s’est rendu compte que cette nouvelle source d’énergie n’était pas aussi verte que ça. Miraculeux pour les uns, détestables pour les autres, les biocarburants ne laissent guère indifférents : on est pour ou on est contre. Tentons d’y voir plus clair.

Un agrocarburant, qu’est-ce que c’est ?

Les agrocarburants sont tirés des végétaux. Il en existe deux sortes. D’un côté, il y a l’éthanol qui est produit à partir du sucre extrait des betteraves, de la canne à sucre ou des céréales et qu’on incorpore à l’essence. De l’autre, il y a le biodiesel, qui est fabriqué à partir d’huiles végétales (colza, tournesol, soja ou palme) et que l’on mélange au gazole. En France, l’éthanol est produit à partir de betterave, de blé et de maïs, tandis que le biodiesel est tiré du colza ou du tournesol. Éthanol et biodiesel peuvent être utilisés purs (c’est le cas au Brésil par exemple), mais le plus souvent, ils sont mélangés aux carburants traditionnels. En France, ils le sont à hauteur de 5% (SP95), 10% (SP95-E10) ou 85% (E85). En Europe, le biodiesel est le plus consommé : il représente 80% du marché des agro-carburants.

LA QUESTION DE SUNNY

“Biocarburant”, ça veut dire que ce sont des carburants bio ?

« Bio » carburants, cela ne veut pas dire qu’ils sont « biologiques », au sens que l’on donne à l’agriculture biologique, qui n’utilise ni pesticides ni engrais chimiques. Cela signifie juste qu’ils sont produits à partir de matière vivante, en l’occurrence des végétaux. D’ailleurs, plusieurs associations critiquent cette dénomination qui suggère que les agrocarburants sont plus verts qu’ils ne sont en réalité.

En théorie, ces carburants émettent moins de gaz à effet de serre que ceux tirés des énergies fossiles et constituent donc une solution pour préserver le climat. En effet, leur combustion dans les moteurs automobiles provoque l’émission de CO2, mais il ne faut pas oublier que durant toute leur croissance, les plantes ont absorbé du CO2 pour grandir, grâce à la photosynthèse. Si on fait le bilan, à la fin de leur vie, leurs émissions de carbone sont donc égales à zéro. On dit que cette énergie est neutre en carbone.

Le problème, c’est qu’il s’agit de la théorie… On va voir qu’en pratique, la production et le transport des biocarburants génèrent bien plus d’émissions de gaz à effet de serre qu’espéré, mais aussi que leur impact sur l’environnement peut être très néfaste. Avant de se pencher sur ces mauvaises nouvelles, un peu d’histoire…

L’histoire des biocarburants

L’histoire des biocarburants a commencé dans les années 1970 au Brésil. Sérieusement affecté par les chocs pétroliers de 1973 et 1978, le pays a cherché à réduire sa dépendance au pétrole. Il a alors eu l’idée d’extraire de l’éthanol de la canne à sucre, dont il est le premier producteur au monde, et de l’utiliser comme combustible. Durant vingt ans, le Brésil est resté le seul pays à utiliser ainsi un carburant d’origine agricole. C’est seulement à partir de 2000 que d’autres ont suivi l’exemple brésilien : les États-Unis se sont mis à fabriquer de l’essence à partir du maïs, tandis que l’Union européenne a commencé à produire de l’éthanol grâce au blé et à la betterave.

LE SAVIEZ-VOUS ?

Les premières voitures roulaient à l’éthanol

À la fin du 19e siècle, les premières voitures roulaient avec de l’éthanol, produit à partir d’huile d’arachide ! En 1903, le record mondial de vitesse à 177 km/h a ainsi été obtenu avec une automobile roulant au bioéthanol. La Ford T, produite à partir de 1908 aux États-Unis et connue pour être la première voiture accessible au grand public, roulait elle aussi à l’éthanol.

L’aventure est très vite devenue séduisante car dans ces années-là, l’Union européenne s’est mise à offrir des subventions aux agriculteurs ou aux entreprises qui se lanceraient. On criait au miracle. Les objectifs affichés étaient tous très louables : lutter contre le changement climatique en diminuant les émissions de CO2, réduire la dépendance des transports au pétrole et créer de nouvelles opportunités de revenu pour les agriculteurs, trop souvent en difficulté financière. En moins de vingt ans, la France est devenue le 3e producteur mondial de biocarburants, loin tout de même derrière les États-Unis et le Brésil.

L’histoire semblait si belle qu’en 2009, l’Europe a décidé que d’ici à 2020, 10% des transports européens devraient rouler aux biocarburants. Sauf que… depuis elle a été obligée de rétropédaler, ramenant cette proportion à seulement 7%. En effet, emportée dans son élan, elle a omis de fixer des règles claires aux conditions de production de ces agro-carburants. Car tous les biocarburants ne sont pas égaux.

consommation de biocarburants dans les transports européens
2002/2017 : la consommation de biocarburants dans les transports européens a été multipliée quasiment par 15 en 15 ans ! © – EUROBSERV’ER – 2018

Des carburants pires que ceux issus des énergies fossiles ?

Pour mieux comprendre, il faut revenir à l’origine des biocarburants : la plante elle-même.

  • Les biocarburants consommés aujourd’hui sont produits selon des procédés dits de première génération, qui utilisent les graines ou les fruits des plantes. Ils entrent donc en concurrence directe avec l’alimentation.
  • Des procédés de deuxième génération sont apparus il y a quelques années : leur atout est de pouvoir utiliser les parties non comestibles des plantes. Ils sont capables de transformer les résidus de récoltes comme la paille ou les déchets forestiers. Et n’entrent donc pas en concurrence avec les cultures alimentaires. Malheureusement, ces biocarburants sont encore peu développés.
  • Enfin, l’ambition de la troisième génération est de produire des biocarburants à partir d’algues microscopiques, jusqu’à 40 fois plus riches en énergie que les huiles végétales. Cette ressource aurait l’immense avantage de ne pas accaparer de terres agricoles, mais on en n’est encore qu’au stade de la recherche.

Les critiques qu’on peut entendre aujourd’hui visent les biocarburants de première génération. Voilà les principales :

  • les biocarburants utilisent des terres qui pourraient servir à des cultures alimentaires. A l’heure où de nombreux pays souffrent encore de la famine, cette situation est difficilement acceptable. « Il faut choisir entre nourrir les hommes et nourrir les moteurs », accusent les ONG.
  • les subventions offertes pour produire des biocarburants encouragent la déforestation, notamment en Indonésie et en Malaisie, où l’on abat des hectares de forêts tropicales pour planter des palmiers à huile. Or cette déforestation chasse de nombreux villageois de leur habitat, tout comme les animaux, affecte la biodiversité et libère d’importantes quantités de gaz à effet de serre.
  • pour produire ces biocarburants, on dépense parfois une énergie folle. Pour avoir une idée précise de leur empreinte carbone, il ne faut pas prendre en compte uniquement le CO2 absorbé et restitué par la plante, mais aussi l’énergie et le CO2 émis pour fabriquer les engrais et les pesticides, faire marcher les machines agricoles, transporter ces carburants sur des milliers de kilomètres, comme par exemple d’Indonésie en France.
  • on voit se développer des cultures qui favorisent les pesticides, les engrais chimiques et les OGM car ces cultures ne sont pas destinées à l’alimentation humaine. Cela entraîne une perte de biodiversité et un appauvrissement des sols. En outre, ces cultures requièrent souvent une forte irrigation, ce qui pèse sur les ressources en eau.
  • on leur reproche leur faible rendement par rapport aux autres sources d’énergie. On estime que des cultures d’éthanol sur une surface équivalente à un terrain de foot peuvent faire rouler 2,6 voitures par an, alors que la même surface recouverte de panneaux solaires permettraient d’en alimenter 260, soit 100 fois plus !

Le cas de l’huile de palme

L’huile de palme est un vrai cas d’école. L’huile de palme, c’est celle que l’on trouve dans le fameux Nutella, dans toute une ribambelle de produits alimentaires, mais aussi dans les rouges à lèvres ou les détergents. Cette huile est tout bonnement prodigieuse car elle sert à tout, coûte peu cher à produire, affiche des rendements à l’hectare exceptionnels et offre des emplois à des millions de personnes dans le monde. Le souci, c’est que 86% de cette huile est produite en Indonésie et en Malaisie, où son essor a provoqué en trente ans une déforestation de masse, menaçant la survie d’espèces emblématiques comme les orangs-outans, les éléphants, les rhinocéros ou encore les tigres, chassés de leur habitat naturel. Alors, l’Asie, ça nous paraît loin. Pourtant… cette huile, on en brûle tous les jours sur les routes françaises : 75% de l’huile de palme importée en France se retrouve dans les réservoirs de nos voitures, sous forme de biodiesel ! Les ONG appellent donc sans relâche les autorités européennes à stopper « la folie du biodiesel ».

En prenant en compte toutes les émissions indirectes de CO2, induites par la culture des palmiers à huile, Transport & Environment, une ONG reconnue pour son sérieux et son expertise en matière de transports, a estimé qu’un biocarburant à base d’huile de palme émettait en réalité trois fois plus de gaz à effet de serre qu’un diesel issu du pétrole ! Concernant le soja, les émissions seraient elles deux fois plus élevées et 1,2 fois pour le colza. Pas si verts finalement, les agrocarburants…

Ce dessin montre que les carburants issus du colza, du soja et des palmiers à huiles émettent jusqu’à trois fois plus de gaz à effet de serre que le diesel issu du pétrole. Selon l’ONG Transport & Environment, le biodiesel est « un remède pire que le mal » © T&E

Un avenir pour les biocarburants ?

Alors, les biocarburants sont-ils la solution pour remplacer les carburants traditionnels ? Actuellement, la réponse est non. Car la totalité des terres agricoles mondiales ne suffiraient pas à produire la quantité de carburant nécessaire pour faire rouler les 1,2 milliards de voitures en circulation dans le monde, un chiffre qui pourrait d’ailleurs bien doubler d’ici 2050.

Mais il ne faudrait pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Car si les biocarburants sont produits localement, sur des terres habituellement en jachère, cela peut être une bonne solution et constituer un débouché intéressant pour les agriculteurs. L’Agence française de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie assure que « pour les carburants consommés en France, les biocarburants ont un bilan énergétique plus positif que les carburants fossiles ».

Et puis surtout, d’autres biocarburants devraient bientôt remplacer ceux de première génération. Les biocarburants avancés, de 2e et 3e génération, suscitent beaucoup d’attente, puisque leur empreinte carbone sera très réduite et qu’ils n’accapareront pas de terres destinées à l’alimentation. Bémol tout de même : les coûts de production seront beaucoup plus élevés que pour ceux de première génération. Enfin, d’autres efforts pourraient être plus immédiatement efficaces, comme améliorer la consommation des moteurs automobiles, fabriquer des carrosseries moins lourdes, ou tout simplement réduire le nombre de déplacements en voitures individuelles, au profit de la marche, du vélo ou des transports en commun.

AVANTAGES ET INCONVÉNIENTS DES BIOCARBURANTS

Les plus

  • S’ils sont produits localement et ne sont pas issus de la déforestation, ils peuvent émettre moins de CO2 que les carburants classiques.
  • Ils permettent aux agriculteurs de diversifier leurs revenus.
  • Les biocarburants de 2e et 3e génération sont/seront plus respectueux de l’environnement.

Les moins

  • Si on prend en compte l’énergie émise dans la production, la transformation et le transport, ils génèrent souvent des émissions de CO2 bien plus importantes que les carburants classiques.
  • Ils favorisent la déforestation dans des pays notamment en Indonésie et en Malaisie où l’on abat des arbres pour planter des palmiers à huile.
  • Ils peuvent entrer en concurrence avec les cultures alimentaires.

SUR LE SUJET, VOIR AUSSI LES FICHES

  • Le pétrole
  • La biomasse
  • Les énergies renouvelables
  • Les transports

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La raffinerie Total de la Mède et la controverse sur les importations d’huile de palme

Raffinerie Total de La Mède : 20 000 tonnes d’huile de palme livrées vendredi
Article du journal Le Parisien publié le 21 mai 2019

Le gouvernement indonésien entrave toute réforme de l’industrie de l’huile de palme
Communiqué de Greenpeace Publié le 16 mai 2019

Quoi : le groupe français Total a annoncé en 2015 qu’il allait reconvertir une raffinerie pétrolière en raffinerie de produits végétaux, pour produire des biocarburants.

 : à la Mède, dans les Bouches-du-Rhône, dans le sud de la France

Le problème : Total prévoit d’importer de l’huile de palme d’Indonésie. Les agriculteurs français défendent la filière d’agrocarburants française, à base de colza par exemple, tandis que les associations de protection de l’environnement comme Greenpeace dénoncent l’impact de ce projet sur la forêt indonésienne. Elles demandent à Total de certifier qu’il s’approvisionne en huile de palme durable.

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